Presse Spécialisée --

juin 1998

N° 46

Interview d'une musicienne

Y.B. Nelly Pouget vous êtes saxophoniste, chef d'orchestre, compositrice comment conciliez vous toutes ces activités?
N.P. J'ai une vie très remplie entre méditation, composition, fabrication, démarchages, création, réalisation, la recherche de musiciens pour trouver les meilleurs compagnons pour l'épanouissement de cette musique. En tout les cas la musique est essentielle dans ma vie, je suis entièrement consacrée.

Y.B. Où et quand trouvez-vous vos sources d'inspirations?
N.P. Je travaille en me déplaçant, tout pour moi peut-être source d'inspiration mais je dois dire que lorsque la plupart des gens dorment et très tard dans la nuit, je concocte les fruits de mes journées en toute intimité, dans mon local musique situé sous ma maison, dans une cave précisément.

Y.B. Pensez vous que la France est votre seul territoire de musique?
N.P. Je ne vise pas seulement une carrière hexagonale. Je considère la musique que je compose comme internationale. Mon premier festival n'était pas en France, mes disques circulent dans le monde entier et ceci est valable également pour la presse. Ce mois ci un magazine japonais m'a consacré un long article de deux pages.

Y.B. Comment trouvez-vous votre inspiration?
N.P. Je réalise que mon inspiration suit un parcours en spirale. En effet depuis des années j'écris ma musique et lorsque je veux fouiller pour préparer un concert une oeuvre déjà écrite et exécutée, cela engendre très souvent la création d'une nouvelle pièce. Bien sûr différentes possibilités existent qui peuvent donner naissance à une création pure comme cet exemple : Je me souviens d'avoir retrouvé une amie de longue date après plusieurs années, elle était accompagnée d'un petit garçon son fils. Mon étonnement et mon émerveillement ont donné naissance alors à " Expansion ", composition qui figure sur mon premier disque " Le Dire " 1991.

Y.B. Pensez-vous que votre musique est une construction élaborée ou plutôt le reflet de votre sensibilité et de vos rêves?
N.P. C'est un ensemble, j'ai toujours pensé que la musique que je propose est simple, jusqu'au jour, où l'on n'a su me démontrer que pour moi, quelque part elle coule de source, mais que pour les autres personnes, il faut un certain apprivoisement, une certaine écoute. Il est agréablement surprenant d'entendre rapidement chantonner les thèmes.

Y.B. Les difficultés d'une carrière solitaire vous découragent t'elles parfois ou au contraire ce n'est que stimulant?
N.P. Je pense qu'en tant qu'artiste il faut cesser de penser qu'à soi, de faire du nombrilisme. Les difficultés d'une carrière sont liées aussi comme pour tout être aux difficultés d'évolution de la vie et de la société. Bien sur je ne voudrais pas trop mettre en avant et l'occulter aussi le fait que je sois femme saxophoniste compositrice et leader, c'est loin d'être passé dans les moeurs. Parfois il y a des surprises complètement inattendues qui sont là pour éprouver même les fondations ou le fondement. Ce qui est à déplorer, c'est la perte de temps à travers les années. Dieux merci l'élixir de vie qui fait ma force me permet toujours de continuer.

Y.B. Les relations avec vos musiciens sont elles sources de difficultés ou, au contraire sources de joie, plus précisément sont elles l'une et l'autre?
N.P. Le choix de mes musiciens est quelque chose pour moi de très pointu. Comme vous le savez la musique que je compose est basée pour une grande part à l'improvisation en symbiose à partir d'un thème donné. Je suis donc obligée de choisir des musiciennes ou musiciens très matures pour ce genre d'aventure.
Les partages de vie avec ces êtres sont avant tout basés sur l'amour de partager cette musique. Il ne faut pas oublier qu'un artiste autant que possible, doit vivre de son art et que les obligations professionnelles sont parfois très cruelles.

Y.B. Nelly, j'ai l'impression de vous connaître maintenant depuis longtemps comment voyez-vous votre avenir?
N.P. Je ne suis pas médium, je travaille en toute honnêteté et je pense que tout effort sincère mérite une certaine reconnaissance. J'ai aussi pleinement conscience des déviations " business " de notre époque et du mensonge de l'art pour en avoir été victime, mais je ne m'arrête pas là.
Ma musique est toujours adressée au public, je ne peux jouer pour moi, comme un certain nombre de mes confrères.

J'adhère à l'évolution de nos sociétés à travers un art moderne contemporain avant-gardiste, proche des êtres tant que possible. Ma musique se veut Jazz Moderne Acoustique Optimiste !

Yves BOUGARAN écrivain Journaliste