Presse Régionale Française -- Bourgogne-Franche Comté


[Les Dépêches du 19 juin 1991]

Mercredi 19 juin 1991


L'invitée du jour

Nelly POUGET

Saxophoniste

Nelly Pouget pendant l'interview

Nelly Pouget

Noir et blanc tout simplement, elle en couverture avec un instrument qui n'est sans doute pas tombé de la dernière pluie et, ces simples mots en exergue: " Le Dire ". C'est fait : après mille années passées entre Bourgogne, Paris et Afrique, Nelly Pouget vient de sortir un premier album, 55 minutes ornées de ses propres compositions distillées par elle même et ceux qui ont accepté l'aventure discographique avant d'en envisager d'autres, plus spécifiques, Siegfried Kessler (piano), Tony Overwater (cb),et Sunny Murray (dr). Rien moins. Le quartet est surprenant: de mérier, mais surtout de conviction et de plaisir de jouer. A l'évidence, la jeune femme qui formentait ce disque depuis de longues lunes a su entraîner des musiciens vers un dialogue d'autant plus riche qu'épuré (1).
Pour autant, Nelly Pouget n'a rien oublié de ses balbutiements musicaux effectués à Dijon. Premiers pas effectués au conservatoire où, si attentive à son premier instrument, elle ne se rendit compte qu'en fin d'année, qu'elle était la seule au féminin de la classe en question. On peut tout en conclure : de la volonté de la jeune dijonnaise qui n'a plus jamais laissé l'instrument. Ou d'une certaine conception des choses et de la musique de l'établissement ou de ceux qui y envoyaient leur progéniture.

Curieusement, celà n'a fait en tout cas que la renforcer dans son goût pour cet instrument. Un ténor d'abord avant de découvrir plus tard le soprano, là où elle pense avoir vraiment trouvé son son.

"Je n'aime pas le mièvre. J'aime au contraire les choses chaleureuses" dit-elle, acccompagnant le tout de ces grands éclats de rire qui expliquent sa vision d'un jazz résolument optimiste, sur la voie duquel elle n'a plus jamais été détournée.
Certes, il y eut les Beaux-Arts de Beaune, cette autre improvisation qu'est la peinture, ici, puis l'Afrique. "J'avais mis le sax en sommeil, mais c'était pour mieux le retrouver après". Ainsi fut fait lorsqu'elle retrouva Dijon puis Paris vers 81- 82.
Un retours déterminant, (" J'avais tellement envie de jouer " se souvient-elle) confrontée à "des gens de plus en plus grands", tel Steve Lacy devenu aujourd'hui un amical conseiller. Ou ces acteurs brésiliens avec lesquels elle envahissait ces lieux promis à la démolition afin de les faire revivre : "c'est là où j'ai réussi à écarter le carcan qui m'écrasait en faisant ce type d'expériences spontanément". De là à la mise en place de ses orchestres qui depuis neuf ans se mettent à vivre entre ses mains et ses appels du pied, le pas est moins grand qu'on ne croit. Nelly Pouget en tout cas n'a plus dévié, se souvenant qu'après tout Coltrane non plus n'était pas sùr de lui à l'aube de chaque concert, et, engrangeant amis, expérience et inspiration avant de songer à ce premier disque qui n'est pas un hasard. D'un saxophone sauvé d'une poubelle et qui n'a pu n'appartenir qu'à un grand, à ces pointures qui cosignent en quelques sorte "Le Dire", Nelly Pouget convainct en tout cas qu'il ne pouvait y avoir pour elle et la musique d'autre nécessité que cette rencontre-là. Le chemin aura été long : du baptême du Cloître des Lombards aux percussions africaines, du free qui lui a donné "une sacrée liberté de l'instrument" aux galères pour jouer tout simplement. Mais la saxophoniste pouvait sans doute compter sur de belles certitudes musicales qui transparaissent d'ailleurs au détour des compositions.

Pour tout cela Nelly Pouget et surtout son album aux multiples nuances ne devrait pas passer inaperçu.


> Nelly Pouget sera l'invitée de la der de "Jazz Dim" en Bourgogne (103.7). Au programme, de larges extraits de l'album en question. On retrouvera par la suite l'émission le samedi de 13h30 à 14h30. D'où son nom de guerre ("Sam'Jazz"). A noter enfin, en matière d'ondes que Nelly Pouget sera également l'invitée de l'emission magazine de FR3- Bourgogne vendredi entre 12 et 13 heures.


(1) " Le Dire " Nelly Pouget quartet (album et compact). Production Minuit Regards, 56 rue de la Sablière,Paris. (retour au texte)

Jean-Claude PENNEC